Corinne Mostin: « formation, on se trouve encore loin du niveau souhaité. Améliorer la gestion i.."
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- 26 août 2024
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Corinne Mostin: «Quand les copropriétaires ne comprennent pas, ils deviennent suspicieux»
Avocate bruxelloise spécialisée dans la copropriété, Corinne Mostin précise les contours des droits et obligations des parties, dans la gestion d’une « propriété partagée ». Entretien. dwige et Michel sont copropriétaires d’un bien dans le namurois. Ils cultivent un certain nombre de griefs à l’égard de leur syndic : hausse des frais, provisionnement mal justifié, travaux privatifs menés sur le compte de la copropriété… Des critiques qu’ils jugent fondées mais qui se heurtent aux limites fixées dans les règles qui organisent l’exercice du métier de syndic et la copropriété. Corinne Mostin, avocate bruxelloise spécialisée dans cette matière, et auteur d’un ouvrage de référence sur la question (1), précise les contours des droits et obligations des parties, dans la gestion de cette « propriété partagée ». Quelles sont les principales obligations des syndics vis-à-vis des copropriétaires ? La loi n’a pas structuré de manière très claire ces obligations mais je dégagerais cinq axes. D’abord, le syndic est le grand organisateur de l’assemblée générale des copropriétaires. Il en fixe l’ordre du jour en reprenant notamment les demandes des propriétaires et du conseil de copropriété. Il doit également indiquer de quelle manière les copropriétaires peuvent prendre connaissance des documents liés aux points inscrits à l’ordre du jour. Il peut ainsi les joindre à la convocation mais la loi ne l’y oblige pas et il peut aussi prévoir que ces pièces sont consultables à son bureau. Ensuite, dans le mois qui suit l’assemblée, il doit communiquer le PV aux membres. Ce document reprend les décisions prises sur les sujets traités, notamment l’approbation des comptes, le renouvellement de son mandat et les éventuelles décisions de travaux. Le syndic peut-il décider seul de réaliser des travaux ? Non. Il peut poser des actes conservatoires et d‘administration provisoire. Ainsi, en cas d’infiltration d’eau dans un immeuble, il peut prendre les mesures urgentes pour réparer afin d’éviter des dégâts plus importants. Mais on se situe parfois à la marge car il lui faudra obtenir les fonds nécessaires pour cela, ce qui peut passer par la tenue d’une AG extraordinaire. Par contre, la loi de 2010 a supprimé la tâche d’assistance pour le conseil de la copropriété. Il n’a plus aucun pouvoir de décision et ne conserve qu’un pouvoir de contrôle du travail du syndic. Et pour le choix des fournisseurs et prestataires de services ? Il s’agit de la gestion technique pour laquelle la loi ne dit rien de précis. Parfois, cette question est réglée dans les statuts de l’immeuble ou dans le contrat qui le lie à la copropriété. La loi lui impose une évaluation annuelle des contrats de fournitures, afin de voir s’il est nécessaire de remettre le marché en concurrence à l’échéance du contrat. Mais la loi ne dit pas jusqu’où il doit aller dans cette évaluation. Il est également tenu d’assumer une série de démarches administratives pour les copropriétaires mais ne doit pas pour autant rendre compte tous les jours de ce qu’il fait. Il y a l’AG annuelle pour cela. Or ce point ne semble pas toujours très clair dans la tête de certains copropriétaires. Un syndic, ce n’est pas un concierge : il n’est pas sur place tous les jours car il gère parfois plusieurs dizaines d’immeubles. Une autre de ses obligations consiste, en cas de vente, à transmettre au notaire toutes les informations nécessaires : les fonds de roulement et de réserve, les arriérés dus par le vendeur…
Ne doit-il pas fournir les éléments de la comptabilité aux copropriétaires ? Il doit établir les comptes de la copropriété et communiquer le décompte des charges sans nécessairement fournir le détail de chaque facture. La loi prévoit en effet que le copropriétaire peut aller, s’il le souhaite, consulter ces pièces au bureau du syndic. De plus, un commissaire au compte est déjà chargé de ce travail à l’approche de l’AG. D’autant que la loi de 2010 a imposé des exigences comptables pour les copropriétés de plus de 20 lots, qui s’assimilent à celles présentes dans la comptabilité des sociétés. Or tous les copropriétaires n’ont pas forcément la capacité de lire un bilan. Et quand on ne comprend pas, on devient plus facilement suspicieux. Enfin, le syndic doit gérer le contentieux. Ainsi si un copropriétaire introduit un recours contre une décision de l’AG, c’est le syndic qui est chargé de lui répondre.
Qui est compétent en cas de recours d’un copropriétaire ? Le juge de paix, pour l’essentiel : le recouvrement de charges, le contentieux de l’annulation, la responsabilité du syndic, même si ce dernier point est contesté. Certains recours relèvent de la compétence du tribunal de première instance. Par ailleurs, devant le juge de paix, un copropriétaire qui ferait la preuve que le syndic fait mal son boulot, pourrait demander la désignation d’un syndic provisoire. Par ailleurs, un syndic est révocable à tout moment : les copropriétaires détenant au moins 20 % des parts peuvent demander qu’il convoque une AG extraordinaire avec sa révocation à l’ordre du jour, point qui doit ensuite obtenir une majorité de votes. Car il s’agit d’une responsabilité collective. Par ailleurs, il y a aussi les manquements déontologiques, comme les commissions occultes, qui peuvent être soumis à l’IPI ou à tout autre organisme ayant la tutelle sur le syndic. Enfin, il y a les situations telles que le détournement de fonds, pour lesquelles le plaignant peut s’adresser au pénal.
Les recours sont-ils nombreux ? Le contentieux s’est alourdi depuis la loi de 1994. Avant cela, le contentieux d’annulation d’une décision de l’AG n’existait pas. Par ailleurs, les litiges liés au recouvrement des charges existaient déjà mais se sont aggravés avec la crise : c’est devenu un gros volet du contentieux. Enfin, comme on a augmenté les tâches de cette profession en 1993 et en 2010, les gens sont en attente d’une plus grande intervention de l’IPI. Le commissionnement constitue-t-il un problème, selon vous ? Oui car le syndic gère le bien d’autrui. S’il est rémunéré par un fournisseur, il aura tendance à privilégier celui qui propose la meilleure commission. Et on n’aura jamais la certitude que c’est le meilleur service qui est rendu. Mieux vaut que le syndic perçoive une meilleure rémunération de la copropriété. Y a-t-il d’autres éléments qui menacent l’indépendance du syndic ? Ce qui me frappe, c’est qu’au niveau de la formation, on se trouve encore loin du niveau souhaité. Améliorer la gestion implique donc d’augmenter ce niveau car cela a une incidence sur la déontologie. Etre mieux formé permet de mieux résister à la tentation. Par ailleurs, on constate qu’il manque des candidats syndics. C’est une matière qui nécessite des compétences diverses : comptables, juridiques, relationnelles, techniques… On doit assister à des réunions en soirée. C’est un travail de terrain pour lequel les sollicitations sont fréquentes. Et une profession qui s’est organisée de manière récente. (1) Corinne Mostin, « Le syndic de copropriété », Kluwer, Bruxelles, 2012.